La Salsa – phénomène urbain des jeunes vietnamiens

Mis à jour le: 28/04/2021 | Publié le: 28/04/2021
la salsa

La Salsa est l’un des éléments qui prouvent une « touche latine» dans la culture vietnamienne, malgré la distance géographique. Le lien qu’on voit ici est la vie sociale très orientée vers la rue et la danse favorise cette mixité. Complètement inconnue il y a quinze ans, la danse latine arrive en force au Vietnam et bouleverse le modèle culturel en vigueur du pays. Du fait de son origine latine, la Salsa oblige un contact sensuel. Ça frotte « serré ». Or, dans une tradition relativement conservatrice comme le Vietnam, les gens sont très pudiques. Tout voyageur étranger remarquera que toute démonstration affective en public est mal vue au pays. Et pourtant, la Salsa est en train de gagner du terrain auprès des jeunes citadins branchés. Qu’est-ce qui se passe? Comment peut-on décoder l’émergence  de cette tendance culturelle?


La danse moderne dans la société vietnamienne

L’importation de la Salsa n’est pas un mouvement anodin. Derrière son développement rapide depuis dix ans, c’est toute une évolution socioculturelle au sein de la classe urbaine, surtout chez les jeunes Vietnamiens. Depuis toujours, la danse s’inscrit dans la tradition vietnamienne. Néanmoins, elle prend la forme collective et elle se déroule lors des fêtes ou des cérémonies à vocation spirituelle.

Pendant la colonisation française, le Vietnam a importé de nouveaux courants de danse venus d’Europe tels que Vals. La culture française est profondément gravée dans la mémoire collective comme quelque chose de noble. Tout ce qui est lien avec la France ou l’Occident est considéré comme mondain, y compris la danse à l’européenne.

Il y a un écart entre la danse du monde occidental et la tradition vietnamienne : ceux qui pratiquent la danse classique appartiennent à une classe sociale plus élevée. Cette perception du public vietnamien reste encore très vivace jusqu’aux années 1990. L’ouverture économique a permis au pays de brasser de nouvelles cultures. L’amélioration des conditions de vie a permis aux citadins vietnamiens de consacrer leur temps libre au loisir.  

La salsa :  un phénomène récent

Dans une approche plus démocratisée, les premiers clubs de danse classique (vals, cha cha cha) ont apparu à Hanoï et Ho Chi Minh Ville pour répondre au besoin de cette clientèle. Cependant, il faut savoir que ces danses ont une image vieillotte et n’attiraient pas trop l’attention des jeunes. Il a fallu attendre aux années 2000 où la danse sportive (Dance Sport) est arrivée au Vietnam et fût très bien reçue grâce à son caractère plus dynamique. C’est une prémisse pour l’arrivée de la Salsa quelques années plus tard.

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Les premiers clubs permanents de la Salsa ont vu le jour successivement dans la période 2008 – 2015. Pourquoi une période si tardive? Deux éléments expliquent : la multiplication de relations diplomatiques entre le Vietnam et les pays du monde hispanique et le retour massif des ex-étudiants vietnamiens à Cuba. Le Vietnam a intégré l’Organisation Mondiale du Commerce en 2006, ce qui lui a permis de tisser plus facilement des liens avec des pays du Nouveau Monde.

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Hormis la visite du roi d’Espagne en 2007, les pays de l’Amérique Latine ont effectué de nombreux voyages de repérage au Vietnam dans le but de trouver de nouveaux débouchés. On commence à croiser des expats hispaniques (Cubains, Mexicains, Colombiens, Argentins, Espagnols) à Hanoï et Saïgon. Une première communauté hispanique s’installe, ce qui permet à la Salsa de tailler une place modeste dans la société vietnamienne. Cette communauté est le noyau dur qui soutient le développement de cette danse au pays.

En outre, de nombreux étudiants vietnamiens à Cuba sont rentrés au pays sur l’appel de l’État. Pour votre information : les deux pays communistes ont un lien de fraternité très étroit depuis des années 1960. C’est par intermédiaire de cette relation que les Vietnamiens peuvent partir faire des études à Cuba et découvrir le cigare, le rhum et la Salsa.  La cohésion entre la communauté hispanique et les étudiants hispanophones vietnamiens explique l’élan de la danse latine au pays.

L’engouement pour la Salsa reflète l’évolution des moeurs

Les années 2000 sont une période charnière pour les nouveaux courants, dont la Salsa. La vitesse de changement socioculturel au Vietnam passe à un niveau supérieur, en même temps que sa croissance économique à deux chiffres. En outre, la jeunesse vietnamienne atteint son âge d’or : les moins de 35 ans représentent 65% de la population. Les jeunes ont l’ouverture d’esprit plus marquée que leurs parents et ils sont plus disposés à tolérer ce qui était tabou dans la société.

Au Vietnam, il y a beaucoup de tabous en ce qui concerne le rapport entre les gens de sexe opposé : virginité, contact physique, amour, mariage, etc. Je souligne cette mention parce que c’est un facteur important qui explique l’acceptation de la Salsa auprès des jeunes (pas des vieux). Fonctionnant à deux, on sait que ces deux danses ont un fort caractère sensuel, voire de séduction. La sensualité est intimement et traditionnellement liée à la sexualité au Vietnam.

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Son niveau de contact physique dépasse la frontière de tolérance dans un pays pudique. Dans la vie de tous les jours, les Vietnamiens de sexe opposé n’osent pas avoir un contact si intime. Naturellement, c’est un blocage quand on débute la Salsa. Pour beaucoup de Vietnamiens, ces danses font référence à une scène amoureuse gênante. Si cette perception reste très forte dans la plupart des zones rurales, plusieurs citadins vietnamiens (plutôt à Hanoï et Saïgon) ont réussi à franchir le cap. S’ils acceptent la Salsa, c’est parce que leur vie sexuelle et amoureuse a aussi évalué en faveur de ces danses.

Quand la danse sert de Meetic

On sait que la Salsa est un mode de vie très courant chez les gens en Amérique Latine. Pour eux, c’est peut-être un moyen de sociabiliser. Les jeunes Vietnamiens n’ont pas la même perception. Pour ces gens majoritairement célibataires, la Salsa  est une arme redoutable pour trouver l’âme soeur. Il s’avère qu’un bon nombre de jeunes citadins vietnamiens suivent la même tendance mondiale :

  • Faire des études plus longues
  • Repousser le mariage plus tard
  • Mener une vie célibataire «inter-mi-temps» à plusieurs reprises avant de s’engager sérieusement dans une relation durable,
  • Chercher des activités de loisirs avec grande flexibilité

La Salsa répond parfaitement à leur besoin. Les pas de danse ne sont pas aussi rigides  que la danse classique et l’atmosphère est plus cool.

Eurêka! Une recette miracle pour mettre fin à sa vie célibataire! Certes, on ne peut pas mettre les oeufs dans le même panier. Cependant, le taux d’accouplement au sein des cours de Salsa est quand même frappant. Plus de 90% des élèves sont célibataires au début des cours. Au bout de 2-3 mois, les couples se forment. Une fois que l’objectif est accompli, beaucoup de gens ne suivent plus de cours et laissent tomber. Les autres, soit ils poursuivent par passion soit ils continuent à chercher l’âme soeur.

On comprend à tel point, le cours de Salsa est un excellent moyen de repérer les «cibles». Il est vrai que ça suscite encore des polémiques autour de la validité culturelle et sociale de cette danse. Mais comme tout autre courant d’origine étrangère, les Vietnamiens savent comment les moduler pour les intégrer habilement dans leur tradition. Un jour, peut-être on verra une danse Salsa entièrement vietnamisée. Qui sait?

Une « épice » essentiellement urbaine

La Salsa permet de pimenter la vie des citadins trop préoccupés par les soucis quotidiens. Dans les grandes villes, il faut dire honnêtement qu’on n’a pas beaucoup de choix quant aux activités nocturnes. Les bars et les boîtes de nuit sont fermés assez tôt. Du coup, la Salsa, avec son caractère de vie sociale, se marie très bien avec le mode des vies des citadins vietnamiens. Désormais, on peut pratiquer d’autre chose que d’aller au Bia Hơi ou chanter au Karaoké. Lors d’un passage à Hanoï ou Saïgon, si vous êtes fan de cette danse, n’hésitez pas à participer à de nombreux clubs qui organisent régulièrement les évènements. 

Voici quelques adresses :

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L’AUTEUR Van Thai

Ayant grandi dans une famille de diplomates, j’ai passé mon enfance expatriée à travers plusieurs pays asiatiques. En quête de sens, mes voyages personnels sont toujours remplis de rencontres humaines, d'immersion culturelle et de découvertes authentiques. Avec mon entreprise familiale, je livre un combat acharné contre le tourisme de masse.

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