Le numérique responsable s’impose comme une brique incontournable du tourisme durable. C’est un exercice difficile pour toute entreprise en transition. Comme du sport, il faut de la volonté, d’une forte dose intellectuelle et de la discipline pour y arriver. Heureusement, les solutions pragmatiques et accessibles existent. Décryptage sur comment TTB Travel s’y prend.
Prise de conscience tardive
Comme la plupart des acteurs du tourisme, TTB Travel était ignorante par rapport au numérique responsable. Notre intérêt pour la thématique remonte à 2019 pour une raison en lien avec l’authenticité. En effet, nous avons la haine viscérale contre AirBnB qui déshumanise le rapport en voyage. À force de creuser le sujet, on a découvert d’autres facettes ajacentes de la consommation digitale :
- Émission de carbone à cause de l’explosion des usages : streaming, cryptomonnaies, stockage de données dans les data centers
- Non respect de la vie privée du fait de l’utilisation des cookies
- Pollution générée par les poubelles remplies d’appareils électroniques
Nous avons appris pour la première fois le rapport intime entre le monde digital et son impact énergétique. La pollution va au-delà des prestations d’un voyage. Il faut s’intéresser au management plus global. Au final, le numérique responsable est une composante intégrée de la dimension environnementale. En tant qu’entreprise, nous avons un rôle à jouer.
D’ici 2025, le numérique aura autant d’impact carbone que le niveau de pollution de l’industrie automobile
GREEN IT
C’est vraiment à partir de 2020 que nous prenons le numérique responsable au sérieux. Par tâtonnement, nous nous sommes formés grâce aux livres blancs et conférences. Nous avons compris qu’il faut absolument réduire notre propre consommation numérique pour montrer l’exemple. Ainsi, une auto-évaluation s’est effectuée sur plusieurs aspects de notre quotidien.
- Fonctionnement général de notre site Web
- Gestes quotidiens au bureau
- Communication externe raisonnée
- Usage des équipements électroniques
Ce sont les quatre axes principaux sur lesquels notre entreprise essaie de progresser au mieux. Au moment de la rédaction de cet article, nous sommes très loin de l’objectif souhaité. La mentalité vietnamienne n’est pas encore prête à un virage si avant-gardiste.
Ressources à notre disposition pour comprendre la pollution numérique
En matière du numérique responsable, nous sommes tous des illettrés et incultes. D’ailleurs, notre hygiène digitale correspond à un niveau infantile. En tant qu’adultes, nous prenons le brossage des dents et la douche tous les jours. Toutefois, combien de gens nettoient régulièrement leur historique de navigation ou enlèvent des cookies? Pourtant, ces saletés numériques polluent notre mental et le corps de la planète.
En tant qu’apprentis novices, nous nous sommes plongés dans la lecture des ouvrages de référence :
- Enfer numérique : voyage au bout d’un like – Guillaume Pitron
- Sobriété numérique : les clés pour agir – Frédéric Bordage
- Réparer le futur: Du numérique à l’écologie – Inès Leonarduzzi
- Éco-conception du Web : les 115 bonnes pratiques – Frédéric Bordage
C’est via les explications pédagogiques des auteurs que nous avons découvert les impacts écologiques de notre usage digital. Le numérique responsable veut dire concilier l’efficacité des outils technologiques et notre propre pollution.
Les solutions recommandées nous permettent de réduire notre émission de gaz à effet de serre via l’engagement managérial. Nous n’avons aucune intention de compenser nos Co2. Pour nous, la neutralité carbone à l’échelle d’une entreprise est une utopie.
Éco-conception de notre site web
Spécialisée en BtoB, notre virage vers le numérique responsable semble moins corsé que nos confrères BtoC. Nous avons repensé intégralement notre site Internet pour l’inscrire dans une démarche LowTech. La refonte fut amorcée en décembre 2020. La nouvelle version fut mise en ligne en avril 2021. Pour évaluer son impact écologique, nous avons utilisé plusieurs outils. Voici les scores de notre page d’accueil.
On constate que la vitesse de chargement de notre site est conforme. Pour arriver à ce résultat, nous avons énormément travaillé sur l’éco-conception de sa structure afin de minimiser la taille des pages.
- Design épuré et simpliste. Moins de palettes couleur pour ne pas solliciter la carte graphique
- Site statique, sans flash, sans vidéo
- Photos plus légères. La taille moyenne de nos images est autour de 40Kb.
- Pas de Pop-ups
Au niveau de l’hébergement, notre serveur se trouve actuellement à Singapour. Grâce à l’ouvrage de Guillaume Pitron, nous avons appris que le secteur numérique repose sur des infrastructures énergivores :
- Data centers qui mobilisent beaucoup d’énergie et d’eau pour le refroidissement
- Acheminement des données. Une requête Google au départ de France « voyage » vers Singapour pour le renvoi d’une réponse.

Comme nos marchés se trouvent en Europe et au Québec, il est plus pertinent de choisir un serveur à proximité. C’est dans cette optique que nous allons bientôt transférer notre hébergement chez Green Geeks. Nous justifions notre choix pour deux raisons :
- Les data centers sont alimentés par l’énergie renouvelable
- Un de ses serveurs se trouve à Montréal. Désormais, une requête Google de France fait une distance de 6000 km au lieu de 14,000 km.
Gestes écocitoyens au bureau
Le livre d’Inès Leonarduzzi nous apprend que l’on pollue inconsciemment via notre consommation digitale. Le numérique responsable implique une hygiène disciplinée dans notre vie virtuelle. Cela commence par la remise en cause de nos habitudes en vigueur. Pour nous, c’est la partie la plus difficile. Notre changement se passe tant bien que mal.

Réduction de notre stockage sur Cloud
En 2014, nous avons fait un faux pas écologique en visant l’objectif « zéro papier ». Nous étions séduits par la promesse de légèreté du cloud qui n’est qu’illusion. Sous prétexte de productivité, les GAFA nous poussent à utiliser leur service pour archiver nos données. Plus on stocke sur le cloud, plus on sollicite la bande passante qui a besoin d’énergie pour fonctionner.
Nous avons troqué la facilité pour le numérique responsable. Depuis 2021, nous revenons à notre vieux disque dur externe et nos ordinateurs pour enregistrer nos fichiers (environ 100 Go). Via cette méthode, nous économisons 12kg de Co2. Selon une étude de Green IT – Frédéric Bordage : 120g Co2/ Go stocké.
Débranchement des multiprises et box Internet
Selon l’ADEME, une box ADSL consomme environ 300 kWh par an, si elle est allumée 24h/24. C’est l’équivalent de 30kg de Co2 par an (selon Green IT). Les experts conseillent d’éteindre sa box au soir pour économiser 140 kWh par an.
Pour l’instant, la mauvaise habitude est encore très enracinée chez TTB Travel. Nos appareils électroniques sont branchés toute la nuit. C’est ici que nous devrons déployer plus d’efforts dans les années à venir.
Navigation intelligente sur Internet
Encore un cas concret de nos mauvaises habitudes. Pour surfer tranquillement, nous avons installé le plug-in Adblocks pour bloquer des bannières publicitaires. C’est dans pure l’optique d’empêcher la pub que de réduire notre pollution numérique.
Désormais apprentis en numérique responsable, nous devrons appliquer prochainement une discipline :
- Nettoyage de cookies et d’historique de navigation (une fois par mois)
- Choix de navigateur plus « green »
Nous avons entendu parler de Lilo, comme une alternative à Google. Malheureusement, nous l’avons lâchée au bout de 3 mois d’utilisation. Lilo revendique le versement de ses gouttes d’eau en faveur des initiatives locales. En été 2020, nous avons mené une enquête auprès de l’association AVI dont un projet était soutenu par Lilo. Il s’avère que l’équipe n’est point au courant de son partenariat avec le moteur de recherche. On n’était pas en mesure de nous répondre à la question de versement des fonds.
Tant que les alternatives ne font pas preuve de transparence et d’efficacité, difficile pour nous de renoncer à Google Chrome.
Entretien des boîtes Email
Notre équipe, composée de 5 membres, reçoit en moyenne 150 emails par jour et en envoie 15. La plupart des mails sont soit des spams, soit des newsletters. Au fil du temps, nos comptes Gmail sont remplis d’ordures numériques. On s’étonne de voir l’espace stockage autour de 12 Go par compte. Nous étions découragés par le travail de nettoyage chronophage et ingrat.
Pour résoudre le problème, nous avons délégué la tâche à Clean Email. Moyennant un paiement de 50 USD, le logiciel nous aide à purger tous les comptes en quelques clics. En 2021, nous avons pu virer quelque 20,000 emails inutiles, soit 14 Go de stockage.

Par contre, il s’agit d’une solution « one shot ». Le défi reste la mise en place d’une vraie rigueur organisationnelle dans la routine de l’entreprise. Voici les actions que nous allons implémenter :
- Nettoyage mensuel des boîtes mail : corbeille vidée, suppression des spams
- Utilisation du logiciel Feedly pour centraliser tous nos abonnements Newsletter permettant d’en recevoir zéro dans nos Gmails
- Limiter les fiches jointes dans l’envoi des emails et les remplacer par des liens de téléchargement externes. Cela réduit la taille de chaque message.
Numérique responsable compatible avec communication digitale?
Spécialisée en BtoB, notre agence a bâti une stratégie basée sur le marketing de contenu. Pour optimiser la visibilité, nous sommes obligés d’avoir recours aux outils digitaux qui polluent. Pour réduire notre émission de Co2, voici nos mesures de compromis.
Concentration sur quelques canaux de communication : LinkedIN, Google My Business, Youtube. Nous renonçons volontiers aux autres plateformes : Facebook, Instagram, Twitter, Pinterest.
Notre ligne éditoriale s’inscrit dans le Slow Content. Nos articles de blog ont une profondeur dans la réflexion qui a du sens à long terme. Nous effectuons régulièrement le recyclage de contenu. C’est grâce à sa qualité que notre blog est reconnu par les experts dans l’industrie. L’exemple concret est le Pacte du Vietnam qui est cité par le Réseau Veille Tourisme.

Produire moins, mais mieux. Compte tenu des sujets pointus, nous prenons beaucoup de temps à sortir un article. Notre fréquence éditoriale est un article toutes les deux semaines. Ensuite, le contenu est relayé sur LinkedIN, en raison de 3 fois par semaine. Pour assurer la durabilité des posts, nous animons désormais une colonne Newsletter « Tourisme durable au Vietnam » qui garde nos publications à long terme.

Le numérique responsable veut dire aussi la sobriété dans la consommation du contenu. Cela se traduit par le filtrage plus ciblé de l’audience. Moins de clics, mois de vues, mais mieux engagés. Ce n’est pas Madame Monsieur tout le monde qui débarque sur notre site. Ce sont des professionnels qui partagent la même sensibilité que nous. Pour faciliter leur accès aux contenus téléchargeables, notre site intègre un onglet « ressources ».

Dans l’ensemble, nous livrons un combat contre l’infobésité et le diabète numérique. Nous privilégions un mode de vie éditorial plus sain.
Numérique responsable dans l’usage des appareils électroniques
C’est le point faible de notre entreprise. Par chance, nos 5 ordinateurs portables, achetés en 2016, durent plus de 5 ans. Honnêtement, nous sommes incapables de trouver une solution pérenne, permettant de diminuer notre pollution.
Notre bureau est proche de la rue Ly Nam De, spécialisée dans l’informatique. Cela nous permet d’effectuer régulièrement la maintenance de nos ordinateurs de la marque HP. L’opération d’entretien consiste simplement à nettoyer quelques composantes pour ne pas détériorer l’appareil dans sa globalité. Par fois, il faut remplacer quelques accessoires qui seront jetés directement à la poubelle sans tri. Par rapport aux exigences du numérique responsable, nous ne sommes pas rendus là.
Comme la Chine, le Vietnam est un pays où la contrefaçon inonde partout. Selon la logique économique du système, il est plus rentable d’acheter neuf que de faire réparer. En effet, les ordinateurs sont conçus pour rendre leur obsolescence rapide. Sans centres de collecte adaptés, les appareils hors d’usage sont envoyés quelque part dans cette planète. On ne sait pas où. Toutefois, ce que l’on sait : 80% des appareils collectés ne sont jamais recyclés (selon ADEME).
Conclusion
Malgré notre volonté, il est très difficile de mettre en place une culture organisationnelle entièrement alignée avec le numérique responsable. L’économie vietnamienne est indifférente vis-à-vis de l’écologie. Il n’y a aucune formation de sensibilisation pour comprendre les enjeux environnementaux du numérique. C’est de l’arabe pour les Vietnamiens!
Notre préoccupation est comment inciter les jeunes collaborateurs d’adopter plus de sobriété. Il y a un décalage énorme entre la maturité physique et celle du digital. Avec l’équivalent d’un enfant de 5 ans, les jeunes générations risquent de consommer encore plus de services numériques. Tout le débat autour de l’impact écologique de l’Internet nous semble hors de leur portée. La pédagogie sera notre prochaine bataille.
Cet article est une sous-catégorie de notre manifeste du tourisme durable. Il s’agit d’un document de synthèse qui guide toutes nos actions managériales vers un tourisme plus positif.
