Croisière maritime au Vietnam : les pirates modernes du capitalisme

Mis à jour le: 25/01/2022 | Publié le: 15/12/2021
croisière maritime au Vietnam

La croisière maritime est une aberration du tourisme. Symbole du tourisme de masse, les bateaux gigantesques déferlent sur la côte vietnamienne et polluent les eaux. Cet article explique comment les paquebots exploitent les ressources du pays au détriment de la population.


Le Vietnam sur la carte de la croisière maritime

La destination a attiré l’attention des compagnies de croisière après le tragique tsunami de 2004. Le Vietnam fut le seul pays à l’abri de cette catastrophe. Ainsi, les ports vietnamiens ont pleinement tiré l’épingle du jeu. Les poids lourds se sont pressés à signer le partenariat les uns après les autres :

  • Royal Caribbean Cruise Line (2014)
  • MSC Croisières (2013)
  • Carnival Corporation : la maison mère de Costa Croisière (2006)
croisière maritime au Vietnam

Du fait du long littoral, le Vietnam est particulièrement adapté à l’accostent de grands bateaux. Ainsi, la destination est de plus en plus proposée par des compagnies de croisière. L’itinéraire typique commence par Hong Kong et termine par Singapour. Les paquebots font escale à trois endroits stratégiques : Baie d’Halong, Hue, Saïgon.

Croisière maritime et tourisme moutonnier

Expertes en économie d’échelles, les compagnies fabriquent en série des paquebots géants. Véritables villages flottants, les bateaux peuvent loger jusqu’à 9000 personnes comme le cas de Wonder of de seas. Les grands groupes contribuent largement à la démocratisation de la croisière maritime, désormais accessible aux classes moyennes en Asie. La course au gigantisme des navires est synonyme du tourisme de masse.

À chaque passage, c’est des milliers de touristes qui débarquent simultanément sur la côte vietnamienne. Par la suite, cette armée se divise en unités de 50 hommes chacune. À l’image du débarquement en Normandie, les troupes se déploient grâce aux barques à moteur. La seule différence, c’est que ces gens ne sont pas les braves soldats. Ce sont les pirates de luxe qui accostent le littoral pour livrer des raids à terre ferme. Comme des troupeaux de moutons, les touristes sont cantonnés dans un autocar. Les guides locaux servent de bergers pour chaque groupe numéroté. 

croisière maritime au Vietnam

Par rapport à la croisière maritime classique, les excursions au Vietnam ne se font pas immédiatement au littoral. Ses sites touristiques se trouvent dans l’arrière-pays. Il faut mobiliser des flottes d’autocar pour faire un trajet assez long. Dans le cas de la Baie d’Halong, les gens doivent faire 4h de route (180 km) pour visiter Hanoi en un jour.  Par conséquent, le temps sur place est trop serré pour faire une vraie découverte culturelle.

 Pollution environnementale

Dans la croisière maritime, les navires sont une source de pollution colossale. Ces ogres de la mer se nourrissent du carburant toxique. Il s’agit du pétrole brut contenant 3000 fois plus de soufre que le diesel dans les voitures. C’est ce type de déchet qui se jette dans les eaux vietnamiennes à l’insu des habitants. Faisons un calcul  :

  • Un navire de 5,000 passagers consomme 10 tonnes de fioul lourd par heure
  • Chaque jour, il produit 1,9 million de litres d’eaux usées et 19 tonnes de déchets solides (selon ONG Friends of the Earth)
  • Le navire longe la côte vietnamienne en une semaine, soit 2,000 tonnes de fioul

On vous laisse imaginer la quantité de pollution larguée au large de la mer vietnamienne. On constate que la croisière maritime passe par les grosses villes portuaires du Vietnam : Halong, Hue, Nha Trang, Saigon. Densément peuplées, les zones urbaines doivent sacrifier une partie de leurs ressources pour accueillir des navires venus d’Occident.  Vous vous demanderez le rôle de l’État dans la gestion?

Aveuglées par la performance statistique, les autorités locales n’adoptent aucune mesure pour limiter les émissions nocives. C’est plutôt l’inverse qui se produit. Dans la Baie d’Halong, toutes les infrastructures sont faites pour loger plus de paquebots.

Hormis la montagne de déchets, la consommation d’énergie de la croisière maritime nous donne envie de vomir. Les moteurs des navires doivent tourner en plein régime pour répondre au besoin non essentiel. Le mode de vie à bord offre un confort méprisable dans le contexte des inégalités dans le monde :

  • Buffets à volonté  tandis que les villageois dans beaucoup d’endroits meurent de faim
  • Remplacement et lavage des serviettes tous les jours, alors que la pénurie d’eau est fréquente dans les zones rurales

Fossé de retombées économiques

La croisière maritime est comme un vampire géant qui suce des ressources vitales d’un pays. Tout l’écosystème de la croisière maritime est conçu pour renforcer la fuite de revenu au détriment du Vietnam. Les études en sociologie démontrent que les croisiéristes sont surtout à la recherche de détente et de divertissement. La découverte culturelle des pays est moins importante que la vie à bord. Autrement dit, le paquebot est la destination en soi. Les ports d’escales ne sont que des points de chute logistiques pour l’approvisionnement.

Les compagnies proposent une large gamme de services à bord pour faire dépenser des touristes. Tout est pensé pour verrouiller le flux monétaire à l’intérieur des bateaux. Dans la chaîne de valeur, les communautés locales sont pratiquement écartées.

  • L’artisanat à terre ferme est éliminé, car le shopping duty free est à bord du bateau
  • Les hôtels utilisés sont des chaînes internationales pour matcher le standard des croisières. Aucune chance pour les petits hôtels d’entrer dans le jeu
croisière maritime au Vietnam

Les excursions à terre ferme sont une miette minime de la chaîne de valeur. Pour ce petit gâteau, les dominants sont gagnants :

  • Tour Opérateur qui ajoute une belle marge
  • Autorités imposent un permis payant aux réceptifs pour accueillir les clients
  • Les entreprises d’État qui tiennent le monopole

Par conséquent, les « prisons » flottantes expriment tout ce que nous ne voulons plus en société. La promesse de fabriquer de nouveaux bateaux plus écologiques ne change point le modèle économique existant. La fuite de capitaux sera toujours en vigueur.

Nuisance et coûts invisibles générés par la croisière maritime

La pollution représente des dégâts intangibles. Selon World Bank, ses conséquences coûteraient 3.5 % du PIB d’ici 2035. L’overdose de touristes crée la pression sur la gestion des déchets. On le voit clairement dans la Baie d’Halong qui est déjà incapable de gérer des détritus de ses propres habitants.   

La réserve d’électricité des paquebots n’est pas suffisante pour faire tourner leur moteur 24h/24. Lors de l’ancrage aux ports vietnamiens, les compagnies de croisière exploitent à fond les ressources énergétiques de la terre ferme. Les autorités vietnamiennes « oublient » de comptabiliser ces coûts dans les permis d’entrée. 

Ce genre de négligence est répandu dans la gouvernance tournée vers la croissance tous azimuts. Les hommes politiques veulent de beaux chiffres pour sécuriser leur siège. Ainsi, l’accueil des paquebots de luxe améliore l’image du Vietnam, et aussi la leur. Dans cette optique, il faut mettre en place des infrastructures pour loger plus de bateaux. La construction des ports et l’aménagement des routes sont assurés par les consortiums vietnamiens. Le cas typique est le port d’Halong sous le contrôle de Sun Group. Tandis que l’efficacité d’exploitation du port reste dubitative, les contribuables sont les premiers à assumer les frais cachés.

Ce n’est pas par hasard que la totalité des villages flottants dans la Baie d’Halong a été supprimée en 2014. Il faut laisser circuler des paquebots de plus en plus nombreux dans la zone. Refoulés à terre ferme, la plupart des pêcheurs ne se sont pas du tout adaptés à la nouvelle vie. Le coût invisible ici est la violation des droits de l’Homme et la dégradation du bien-être des habitants.

Les mots de TTB Travel

Le Vietnam se sert de la notoriété des sites Unesco pour développer la croisière maritime. Malheureusement, cette forme de tourisme n’apporte pas grand-chose au pays, à part le volume de visiteurs. Le pays n’a pas de compétence nécessaire pour gérer des frais cachés. L’Unesco n’est pas là pour faire le job à la place des autorités. D’ailleurs, l’institution est déjà minée par de sérieux problèmes financiers à son siège.

Pour TTB Travel, la croisière maritime est une insulte à la planète et aux eaux vietnamiennes. Les paquebots servent ceux qui veulent leur « vie d’avant ». Notre entreprise sert les générations du tourisme de demain plus vertueux. Voilà pourquoi nous refusons d’accueillir des croisiéristes dans notre pays.


Cet article est une sous-catégorie de notre manifeste du tourisme durable. Il s’agit d’un document de synthèse qui guide toutes nos actions managériales vers un tourisme plus positif.

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L’AUTEUR Van Thai

Ayant grandi dans une famille de diplomates, j’ai passé mon enfance expatriée à travers plusieurs pays asiatiques. En quête de sens, mes voyages personnels sont toujours remplis de rencontres humaines, d'immersion culturelle et de découvertes authentiques. Avec mon entreprise familiale, je livre un combat acharné contre le tourisme de masse.

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