Habitants du Vietnam : maillon essentiel de l’authenticité

Mis à jour le: 18/01/2022 | Publié le: 24/09/2021
habitants du vietnam

Les habitants du Vietnam sont la composante essentielle de l’identité territoriale. Considérant comme expert de leur quartier ou village, les habitants revendiquent leur légitimité en tant que producteurs d’expérience touristique. Il est temps de reconnaître leur statut dans l’écosystème. Il n’y a pas d’authenticité sans participation de ces résidents de souche. Mais comment les faire impliquer dans le tourisme sans altérer leur identité ? C’est la dualité subtile entre mise en scène folklorique et authenticité à l’état pur  

Face au tourisme de masse, les gens se rendent compte que la collection de belle photos n’est plus gage d’un voyage réussi. La longue liste des sites classés Unesco ne suffit pas à satisfaire l’exigence de l’authenticité. On constate le désamour pour la fréquentation des lieux où les touristes sont trop nombreux. C’est pourquoi les visiteurs cherchent un tourisme différent. Bienvenue à l’ère de co-création d’expérience avec les habitants ! Lors du Forum Evora en septembre 2021, leur statut est officiellement reconnu dans les 5 actions durables

Pour mettre en place les actions, les habitants ont besoin d’encadrement et d’outils. C’est là où l’agence réceptive joue un rôle incontournable. Elle apporte son ingénierie de touristification pour co-concevoir des offres avec les habitants.


Découverte culturelle à travers des yeux des habitants du Vietnam

Le Graal de l’authenticité est la dimension humaine. Cela consiste à rencontrer des habitants qui content leur art de vivre. Dans cette optique, l’authenticité concerne toute expérience immersive qui met en valeur le patrimoine intangible véhiculé par la communauté d’accueil.

Prenons l’exemple des rizières qui symbolisent bien la campagne vietnamienne. Au-delà de la valeur esthétique, les champs de riz deviennent plus passionnants quand le touriste participe au repiquage avec des paysans. L’expérience est nettement meilleure qu’une simple prise de photo de loin. Le touriste passe du statut d’observateur passif à l’acteur engagé dans l’immersion.  Dès lors, le paysage rizicole sert de décor à une nouvelle découverte plus authentique

habitants du Vietnam

De toute évidence, les habitants du Vietnam sont considérés comme ambassadeurs de leur territoire, de la culture et du mode de vie. Ils représentent l’attractivité unique du lieu. Ces résidents permanents sur place vous emmènent à l’école de leurs enfants. Ils vous font visiter l’épicerie du quartier. On vous offre un verre de thé glacé dans une échoppe populaire. C’est ce qu’on appelle le patrimoine quotidien qui reflète fidèlement l’âme du lieu.

C’est vraiment à travers leurs expériences personnelles, non commerciales, que les habitants du Vietnam donnent envie aux touristes de découvrir le pays

Tourisme inclusif : remède à la folklorisation culturelle

Dans le tourisme conventionnel, les habitants du Vietnam sont absents du déroulement du voyage. La communication tierce diffuse l’image faussée de la destination à leur place. Très souvent, il s’agit d’un marketing servant à enjoliver, voire déformer la réalité du pays. Dans le cas du Vietnam, on peut citer plusieurs exemples

  • Balade en cyclo pousse à Hanoi. A la fin des années 1990, ce transport a disparu dans le quotidien des habitants. Pourtant, il est largement utilisé dans les tours
  • Dîner royal costumé à Hue. La monarchie est un passé lointain dont aucun habitant de la cité impériale ne se souvient. Vendre un dîner « royal » à prix bradé est un moyen de mépriser la fierté des résidents locaux
  • Toute la vieille ville de Hoi An est vidée de ses habitants de souche. Dans les brochures, on vend l’image des riches marchands qui ont bâti de magnifiques demeures. Le problème est que les descendants sont chassés pour laisser place aux boutiques de souvenir
  • Tunnels de Cu Chi qui glorifient le génie militaire des soldats vietnamiens. Au cœur de l’expérience, il s’agit des visites commentées par les jeunes guides qui n’ont jamais vécu la guerre. Les témoins vivants de cette période sont évincés du processus
habitants du vietnam

Les Vietnamiens contemporains ne s’identifient pas du tout à ces icônes désuètes. À force de falsifier l’identité nationale, les voyages industriels les ridiculisent. On assiste à un phénomène de folklorisation à leur insu.  C’est dans le combat de préservation identitaire que l’approche inclusive avec la communauté locale intervient. L’ADN d’un territoire émane de l’inclusion des habitants comme co-auteurs des activités touristiques.  

Cependant, toute la difficulté de la participation reste dans l’envergure. En pratique, seulement quelques-uns sont les habitants experts. Ils prennent la parole au nom de tous, car ils ont un intérêt individuel ou politique.

Autonomie  des habitants du Vietnam : levier de la résilience

La pandémie a révélé la vulnérabilité et l’aberration du modèle dominant de développement touristique. Profondément enracinés dans la terre natale, les habitants du Vietnam constituent la base solide de la résistance économique. Socialement utile, leur participation devient l’antidote au poison de la dépendance au tourisme malade. 

L’implication des habitants dans le tourisme ne devrait pas remplacer leur activité de base. Le trop plein touristique peut chambouler radicalement leur quotidien, jusqu’au point de faire diluer l’identité culturelle. On a déjà constaté les leçons douloureuses de Mai Chau et Sapa.

Ainsi, il faut varier le profil des habitants. L’intervention des habitants du Vietnam prend des formes variées

  • Association de bénévoles disposée à livrer une courte balade guidée du quartier
  • Artisans qui ouvrent occasionnellement leur porte pour faire découvrir le savoir-faire
  • Résident qui offre ponctuellement un lit pour dévoiler son art de vivre
  • Une famille qui propose de temps en temps un dîner

On remarque que tous les profils n’ont aucun lien avec le secteur touristique. Ils occupent une autre profession : artistes, employés de banque, enseignants, etc. Pour eux, le tourisme n’est qu’une activité complémentaire. C’est cette indépendance qui garantit la résilience en temps de crise profonde comme celle du Covid.

habitants du Vietnam

Quelle que soit la forme, il s’agit d’un encadrement non-professionnel par les habitants. Leur participation, rémunérée ou non, est épaulée par le guide francophone. Celui-ci sert de facilitateur de rencontre et apporte des explications complémentaires sur la culture. C’est le duo guide – habitant qui permet de structurer l’offre touristique

Gestion de quota au cœur de la cohabitation entre touristes et habitants

Il y a une corrélation entre le volume de touristes et le bien-être des habitants. Plus les visiteurs sont nombreux, plus l’ampleur des nuisances est élevée. Il s’agit des formes multiples de coûts social et écologique :

  • Déchets jetés par les touristes
  • Bruits liés aux activités nocturnes
  • Augmentation des prix de l’immobilier
  • Pillage de ressources communes (eau courante, électricité) en faveur des resorts

L’overdose de touriste bouleverse le quotidien des habitants. Par conséquent, la mauvaise gestion du flux entraîne leur mal-être. Puisque les touristes créent des nuisances indésirables, les habitants protestent leur présence.  En comparaison des villes européennes, le Vietnam est plus discret dans les manifestations anti-touristes. Les Vietnamiens expriment un mépris latent qui est difficile à cerner par les touristes occidentaux

trop de touristes rue du train Hanoi

L’authenticité ne peut pas avoir lieu si le touriste subit le rejet des communautés d’accueil. Pour éviter cette situation regrettable, il est important de bien penser le quota. La tâche incombe aux professionnels du tourisme qui possèdent des compétences techniques pour le faire

Le rapport visiteur- hôte ressemble à une fête d’anniversaire chez vous. Imaginez une soirée à 300 invités. Êtes-vous capable de mener une conversation de qualité avec tout le monde? La tâche serait plus facile pour une soirée de 3 amis. C’est le même mécanisme pour un village qui reçoit des touristes. Hélas! Le Vietnam constate plusieurs endroits dont le ratio est excessivement déséquilibré. Puisque le quota est brisé, le rapport amical se réduit à une relation de prestataire – client, ce qui entraîne la perte d’authenticité.

Éducation des touristes sur la notion d’accessibilité relationnelle

Il faut rappeler une chose : la rencontre avec les habitants du Vietnam est un privilège, pas un droit acquis. Toutefois, le touriste ne le comprend pas vraiment. Inconsciemment, il voit le voyage comme une suite d’objets à conquérir. Il cherche à bourrer des visites de « spots touristiques ». Dans cette logique, il vient voir « l’habitant » comme un lion dans sa cage.  

Nos sociétés modernes préconisent le rendement et l’optimisation du temps. Cette quête de performance cartésienne réduit à néant la place de rencontre avec des locaux. Du coup, cela  va à l’encontre de l’authenticité qui privilégie la disponibilité et l’échange.  

Le patrimoine immatériel du Vietnam est incarné par ses habitants. Ceux-ci sont les seuls à avoir la légitimité d’attester la véracité de telle ou telle tradition. Or, les touristes mal préparés n’y ont pas l’accès. Obsédés par le contrôle du risque, ils décident de couper ce lien que l’on appelle accessibilité relationnelle.

  • L’agence Comptoir des Voyages propose des Greeters Vietnam qui sont exclusivement des expats occidentaux. Ces immigrants temporaires osent parler du Vietnam à la place des habitants de souche
  • Les touristes sont incapables de franchir la porte des habitants. Pour rester dans sa zone de confort, le touriste se trouve enfermé dans les quartiers de backpackers

Puisque l’accès aux habitants est bloqué, les touristes tombent dans l’illusion de l’authenticité. Ils tapent 3000 bornes pour chercher le « hors des sentiers battus ». Au final, ils retrouvent les mêmes touristes dans un village folklorisé. Ils sont toujours coincés dans la sphère des stéréotypes.   

On se rend compte que l’accès aux vrais habitants n’est pas si évident. Contrairement à un musée/paysage, cet accès requiert le temps et l’acceptation de l’autre partie.

Équation difficile entre le confort et l’effort

Pourquoi l’accès aux habitants du Vietnam est verrouillé pour la plupart des touristes? C’est parce qu’ils sont coincés dans la dualité confort Vs effort. La perception de l’authenticité est un grand débat de notre métier. Il existe toujours un décalage entre l’imagination du touriste et la réalité du terrain. Plus l’écart est grand, plus le touriste fonce dans la déception. Plusieurs paramètres influencent sa régulation

  • Expérience du touriste en fonction des leçons qu’il a tirées lors des voyages précédents
  • Sa personnalité : aventurier, curieux intellectuel, backpacker soulard ou amateur de Club Med
  • Âge : jeune routard ou personne mature avec enfants
  • Accès à l’information fiable pour évaluer les aléas

Le touriste va analyser tous ces détails pour décider s’il reste dans la zone de confort mentale ou fait l’effort de franchir le pas. Plus l’effort est conséquent, plus le touriste est susceptible d’entrer en contact avec les habitants du Vietnam. Comme résultat, il obtiendra l’authenticité

Par contre, l’authenticité en question ne coïncide pas toujours avec l’imagination du touriste. L’écart est tellement grand que le touriste peut être déstabilisé. Prenons l’exemple de la tradition de manger du chien. Dans certains endroits au Vietnam, les gens consomment encore de la viande canine. Ce trait culturel, pourtant authentique, est une épreuve mentale infranchissable pour beaucoup d’Occidentaux. Ces derniers ont souvent l’image d’une cuisine raffinée du Vietnam. La version est tellement romancée que l’on se heurte à une réalité choquante.

Peu de touristes ont l’accès total à la réalité brute du Vietnam. Comment remettre la jauge vers un juste milieu? La solution existe chez l’agence réceptive qui est experte de la touristification du patrimoine intangible. Elle est capable de transformer l’authenticité à l’état brut vers celui plus modéré, sans falsifier l’identité de base.  

Agence réceptive : la clé d’accès  

Les « vrais habitants » sont rarement accessibles, même avec les technologies avancées. Seulement une tranche marginale de la population vietnamienne se rend visible sur les plateformes comme AirBnB Experiences ou Get Your Guide. Encore, faut il que ces prestataires soient experts de la culture vietnamienne. Ce n’est jamais le cas, puisque la touristification d’un patrimoine est l’expertise distinctive de l’agence réceptive.

Sans connaissances techniques, les habitants s’improvisent dans le tourisme. Par conséquent, ils commettent de nombreuses erreurs fatales. Le phénomène de homestay à Hoi An est un exemple.  Ainsi, il est nécessaire de compter sur  les compétences d’ingénierie de l’agence réceptive qui agit en tant que curateur de contenu. Elle garantit la cohérence entre l’offre et l’identité culturelle. C’est pourquoi les habitants et touristes devraient passer par elle pour co-créer des initiatives  

Ceux qui veulent le beurre et l’argent du beurre peuvent se demander si on peut éliminer cet intermédiaire. La réponse est oui, mais à une seule condition : être un expat parfaitement bilingue en vietnamien et intégré dans la société. Hélas! Ceux qui ont réussi comptent au bout des doigts.


Cet article fait partie de la grande thématique du tourisme responsable au Vietnam. Aux antipodes de la pensée occidentale, on vous apporte un regard inusité de l’Asie sur le sujet de durabilité. Certains points de vue sont complémentaires, d’autres sont plus divergents.

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L’AUTEUR Van Thai

Ayant grandi dans une famille de diplomates, j’ai passé mon enfance expatriée à travers plusieurs pays asiatiques. En quête de sens, mes voyages personnels sont toujours remplis de rencontres humaines, d'immersion culturelle et de découvertes authentiques. Avec mon entreprise familiale, je livre un combat acharné contre le tourisme de masse.

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