La reprise post-covid du Vietnam ne dépend pas uniquement de la vaccination. Même si le passeport vaccinal est accepté partout, le tourisme réceptif ne retrouvera pas la voie de la normalité. Dans le tourisme durable, l’humain est une forme de ressources limitées. La carence de ce « carburant » sera le prochain casse-tête de la reprise. L’offre saura-t-elle suivre la demande des voyageurs? C’est le point qu’on essaie de décortiquer ensemble.
Au-delà des prévisions
Quand on regarde, le rapport de Our World in Data, les chiffres ont l’air optimistes. Dans les faits, à peine 11% de la population mondiale a reçu une dose de vaccin. Le Vietnam fait partie des pays qui ont peu de moyens d’importer des doses. C’est à cause de la vulnérabilité au risque que ses frontières sont toujours fermées aux étrangers.
Donc, le taux élevé de vaccination n’est pas un indicateur clé pour songer la vraie reprise post-covid du tourisme international. Plusieurs questionnements restent à résoudre.
- À quand toutes les populations de la planète sont vaccinées?
- Toutes les frontières sont ouvertes ?
- Les vols sont disponibles pour se rendre partout ?
- Les restrictions à destination sont totalement levées ?
Dans le scénario le plus optimiste, tous ces critères seront satisfaits en 2022. Malgré tout cela, le Vietnam n’aura pas forcément toutes les ressources nécessaires pour accueillir des touristes internationaux. Que faites-vous quand une machine est rouillée après une longue période d’arrêt? C’est la même chose pour l’industrie du tourisme. Les rouages du tourisme réceptif vietnamien rencontrent de sérieux problèmes de « maintenance »
Du point de vue intrasectoriel, il faut régler les problèmes de ressources. Concrètement
1.Maintien de l’expertise dans l’ingénierie du tourisme réceptif
À cause de la pandémie, le tourisme vietnamien a essuyé une perte sèche de 23 milliards d’USD. Le segment réceptif est le plus touché. Concrètement :
- Baisse de 90% du volume d’arrivées internationales
- 95% des entreprises de tourisme ont cessé l’activité
- 90% des travailleurs dans la filière voyagiste ont perdu l’emploi
Vous l’avez compris : les survivants représentent 5% de la population des entreprises de tourisme. Tout le monde fait le dos rond en attendant la reprise post-covid. À part quelques exceptions comme TTB Travel, le reste vise la diversification d’activité pour sauver la trésorerie.
La conciliation entre l’expertise et la santé financière est complexe. Malheureusement, la diversification se fait souvent aux dépens du cœur du métier. Voici quelques exemples :
- Pivoter vers la fabrication de brasserie artisanale
- Confection des plats à emporter
- Pivoter vers l’assurance santé
Tous les réceptifs s’efforcent de surmonter l’épreuve. Toutefois, ces activités ne sont que des solutions de dépannage. Comme les sportifs de haut niveau, l’ingénierie du tour-opérating requiert un entraînement permanent pour garder le top performance. Si la crise perdure trop longtemps, la perte du savoir-faire est inévitable.
Pour se préparer à la reprise post-covid, le réceptif vietnamien ne travaille pas seul. Il s’entoure de partenaires : hôteliers, transporteurs, restaurateurs, guides francophones. Hélas! Ces ressources se tarissent au fil du prolongement de la pandémie.
2.Pénurie de main-d’oeuvre qualifiée : prochaine épidémie de la reprise post-covid
Selon un rapport d’Euromonitor publié en novembre 2020, le tourisme mondial mettra 3 à 5 ans pour se redresser. Avec une telle lenteur, l’indisponibilité des talents sera la prochaine pandémie.
Contrairement au voisin thaïlandais, le tourisme n’a pas la suprématie dans l’économie vietnamienne. La morosité du secteur laisse partir de meilleurs travailleurs. Ayant la fibre entrepreneuriale, ils préfèrent abandonner le tourisme pour toujours. La croissance économique du Vietnamien leur permet de prioriser d’autres types d’emplois.
En cas de reprise post-Covid, il est probable que l’on devra former une nouvelle génération de collaborateurs. Les ressources humaines ne seront pas en phase avec l’exigence de service client.
Le plus grave sera la pénurie chronique de guides francophones. Dès l’an 2015, ce phénomène est déjà très visible. Lassés par une clientèle francophone de moins en moins rémunératrice, ils quittent le métier les uns après les autres. Le Covid est un déclic essentiel pour s’orienter vers d’autres horizons. Selon notre propre enquête, la plupart des guides se lancent dans l’entrepreneuriat. L’assurance et la vente de détail représentent leur métier de prédilection.
Sans ces facilitateurs de rencontre, pas de découverte authentique. Avec la digitalisation, vous pouvez tout faire en ligne, sauf l’émotion humaine en chair et en os. Du coup, on va peut-être assister à un phénomène inversé. Ces travailleurs étaient naguère dans l’ombre de la consommation de masse, comme une commodité. Désormais, ils constitueraient un produit de luxe. Pas d’hôtel de luxe dans personnel deluxe.
3.Disparition définitive des bateaux croisière dans la Baie d’Halong et des alentours
Qui ne rêve pas de passer une nuit à bord d’un bateau entouré de karsts? Ce rêve pourrait rester dans l’imaginaire lors de la reprise post-covid. L’extinction des bateaux de nuit est un scénario possible, compte tenu de l’endettement des investisseurs.
Dans le fond, la faillite des entreprises n’est pas une catastrophe s’il y a une relève. Dans l’industrie touristique, certaines filières bénéficient d’une protection plus corsée que d’autres :
- Une compagnie aérienne en faillite peut être remplacée par une autre. En tout cas, Vietnam Airlines a un soutien énorme de l’État
- Les hôtels ou restaurants en faillite peuvent trouver des repreneurs
- Les autocaristes peuvent céder ou renouveler la flotte de véhicules
En revanche, les bateaux de croisière n’ont pas cette chance. Le modèle d’affaires des compagnies se repose exclusivement sur la clientèle internationale. Depuis un an, toutes les compagnies sont sans revenu alors que les frais fixes sont énormes. Malgré de gros efforts de promotion, le concept de l’hébergement sur l’eau ne plaît pas au marché domestique.
D’ici fin 2021, on constatera une série de faillites. Les 700 bateaux seraient envoyés à la poubelle les uns après les autres. L’enjeu pousse les réceptifs à anticiper des alternatives.
4. Nouvelle composition de flux touristique lors de la reprise post-covid
Nous n’avons jamais prêté une attention sérieuse à l’émergence du tourisme domestique. Pourtant, le flux des vacanciers vietnamiens commence à peser sur plusieurs endroits. Comment gérer d’une manière harmonieuse des deux types de flux? Nous n’avons pas de réponse.
L’État vietnamien est conscient que le développement du tourisme intérieur empêchera la fuite de devise à l’étranger. Dès 2010, le gouvernement accorde un soutien illimité aux conglomérats pour stimuler la croissance du segment. Les reprises éphémères du marché domestique confirment l’évolution structurelle des classes moyennes du Vietnam. Le Covid n’est qu’un frein temporaire.
Depuis 2016, nous constatons des régions fréquentées essentiellement par les Vietnamiens. Pourtant, ces localités sont totalement méconnues des étrangers. Ainsi, tout est relatif quand on parle du « hors des sentiers battus »
Ainsi, la reprise post-covid sera une cohabitation compliquée entre la masse vietnamienne et des voyageurs occidentaux en quête de tranquillité.
Cet article fait partie de la série de blogs autour de la thématique Covid-19 au Vietnam. L’idée consiste à mener une analyse fine de la situation sur place.